David Season : Bonjour, Sheila Vidal. Vous êtes productrice et vous avez, entre autres, un partenariat avec La Factory.
Sheila Vidal : Oui, je suis à la fois productrice et j’ai également un bureau d’accompagnement d’artistes. En fait, l’ensemble s’appelle Drama Queen, mais il s’agit d’une part de Drama Queen accompagnement et formation et de l’autre Drama Queen Forever, qui sont deux structures différentes et dont le Tremplin est en partenariat avec La Factory.
Est-ce que vous pouvez nous dire deux mots sur la façon dont vous accompagnez les artistes ? En quoi ça consiste ?
Accompagner un artiste, ça veut dire la possibilité pour lui d’être accompagné depuis le démarrage de sa création, dès l’intention artistique, mais c’est aussi et surtout tout le travail de pré-production qui doit être fait en amont d’une création, à savoir toute sa structuration interne pour qu’il puisse aller chercher des subventions, toute sa communication et ensuite toute sa diffusion. Il s’agit du travail qui va permettre ensuite la production du spectacle. Et dans la continuité de ce bureau d’accompagnement d’artistes, qui existe depuis trois ans, on a créé cette année Drama Queen Forever, qui est une société de production. Je ne suis pas toute seule, je suis avec Valéry Colin, qui est aussi producteur depuis 25 ans et qui est un ancien danseur de l’Opéra de Paris.
Je ne suis pas tout à fait toute seule au bureau d’accompagnement d’artistes non plus puisque je travaille à peu près avec les mêmes acteurs qu’à la production. Avec une chargée de diffusion, Marie-France Pernin, nous avons une attachée de presse, Dominique Lhotte, à la fois pour la production et le bureau d’accompagnement d’artistes. Nous travaillons également avec une chargée d’administration, une spécialiste au mécénat, un cabinet d’experts comptables et un cabinet d’avocats.
Alors pourquoi ? Parce qu’à certains moments, d’abord les artistes ont besoin d’avoir des renseignements, que ce soit concernant la partie administrative ou la question des subventions. Par exemple, comment aller chercher le crédit d’impôt, qui leur permet d’avoir un peu de sous pour la création de leur spectacle. Mais aussi, il peut y avoir des questions d’ordre juridique lorsqu’ils font appel aux IA ou des choses comme ça. Donc, on a vraiment une équipe très complète qui est en mesure d’accompagner les artistes.
Justement, vous parlez d’IA. Est-ce que vous avez un exemple ?
Oui, par exemple, j’ai une artiste qui voulait recréer une voix par le biais de l’IA d’une personne qui est décédée pour monter son spectacle et il y avait toute une question juridique bien sûr derrière qui se posait.
Et là, il n’y a qu’un avocat qui est en mesure de répondre et puis il y a toutes les questions de propriété intellectuelle.
Vous avez un partenariat avec la Factory dans le cadre du Tremplin. Est-ce que vous pouvez nous présenter un peu ce qu’est la Factory aujourd’hui ?
Je pense que Laurent Rochut vous en parlera mieux que moi.
La Factory, c’est 6 théâtres, 6 lieux, plus de 60 spectacles qui se produisent en 2025, à la Factory cette année. Donc, j’imagine au moins la même chose l’année prochaine. Et une volonté de la part de Laurent Rochut, d’avoir des lieux qui existent toute l’année, qui sont une fabrique permanente d’art vivant à l’année.
La Factory fait partie des quelques lieux dans le Festival d’Avignon qui permettent de se produire dans des conditions qui sont bonnes, en même temps qu’il soutient beaucoup l’émergence. Et son gros avantage aujourd’hui à Laurent, c’est qu’il est parfaitement repéré des programmateurs et des professionnels du spectacle, comme vous, la presse.
Il n’est pas juste là pour avoir des créneaux qu’on lui paye. Les spectacles qu’il accueille, il les accueille parce qu’il les a choisis. C’est pour ça que les programmateurs le suivent et lui font confiance.
Il y a une nouveauté concernant la Factory et la production Drama Queen. C’est qu’à partir de cette année, on peut postuler à un dispositif concernant dans un premier temps les compagnies émergentes et un dispositif qui s’étendra l’année suivante aux compagnies confirmées également. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce dispositif ?
Le dispositif Drama Queen Forever La Factory, c’est un dispositif qui concerne trois tremplins. Donc un tremplin en 2026 pour les artistes émergents, et deux tremplins artistes émergents et artistes dits confirmés en 2027. Ça veut dire quoi concrètement ? Ça veut dire que le projet en 2026 qui sera sélectionné bénéficiera de plusieurs choses.
La première, il aura le droit de pouvoir jouer dans un des lieux de La Factory. Deuxièmement, il sera accompagné avant et pendant tout le temps du festival par Drama Queen accompagnement et son équipe. Et troisième point, c’est qu’il recevra une dotation, une aide à la production pour les émergents de 12 000 euros. Les 17 000 euros annoncés, c’est 12 000 euros et 5 000 euros de l’accompagnement qu’on a valorisé. Aujourd’hui, un accompagnement coûte à peu près 5 000 euros.
Les artistes recevront 12 000 euros d’aide à la production.
Et il y a un quatrième point qui est une nouveauté. Nous sommes à présent six au jury. Gaelle Billaut Danno, comédienne, mais aussi directrice du Théâtre de Herblay, s’engage à pré-acheter le spectacle lauréat pour une date dans son théâtre.
J’ai vu dans les conditions qu’il fallait avoir effectué une formation et à condition que celle-ci soit prise en charge par l’AFDAS. Pourquoi ?
Parce qu’il n’y a que trois Tremplins pour le moment et on souhaite que les équipes qui vont y participer soient dans un rapport gagnant-gagnant. En effet, en participant à cette formation, ils vont pouvoir repartir avec des éléments concrets pour se produire au Festival d’Avignon, tant sur leur communication que sur leur diffusion.
Par ailleurs, pour suivre une formation prise en charge par l’AFDAS, il faut entre autre avoir le statut d’intermittent.
Et, tous les membres du jury vont aussi intervenir. Je suis moi-même formatrice, en même temps que productrice. Cela va donc nous permettre d’être au plus près des artistes et de leurs projets pour jauger de leur recevabilité et de leurs qualités. Les formations vont pouvoir se dérouler soit à Paris soit à la Factory à Avignon.
Et donc, j’imagine, puisque la demande sera certainement très forte, qu’il y aura une présélection draconienne ?
La présélection se fait déjà par le statut. L’artiste doit être professionnel, donc intermittent. Mais aussi par le nombre, en fait. C’est-à-dire que les artistes qui attendront le 30 septembre pour s’inscrire, à mon avis, n’auront pas de place. Nous sélectionnerons au total une cinquantaine de projets pour participer à ce tremplin.
Est-ce que vous pouvez nous dire, selon vous, quels seront les critères de sélection pour remporter le tremplin ?
Un des critères essentiels pour nous, bien sûr, outre la qualité du projet, c’est la dimension entrepreneuriale de l’artiste et du porteur de projet. S’il n’a pas envie d’apprendre ce qu’est une production, ce que c’est que d’aller chercher des coproductions, ce qu’implique communiquer et diffuser, ce sera rédhibitoire. Un artiste porteur de projet doit être un couteau suisse.
On va évaluer sa capacité à s’adapter, à vouloir être présent, être là à l’heure, par exemple, être impliqué dans cette semaine.
Qu’il ne s’imagine pas que c’est une formation de paille pour pouvoir accéder à un tremplin car ce n’est pas le cas. Les artistes vont forcément montrer leur capacité à faire Avignon ou non.
Parce qu’on sait très bien que sur les 1786 spectacles, je crois, l’année dernière au festival d’Avignon, peu ont tourné.
Est-ce qu’il y aurait une question que je ne vous aurais pas posée à laquelle vous souhaiteriez répondre ?
Pourquoi ce tremplin ? Pourquoi donner 12 000 euros, 17 000 euros, faire un accompagnement avec autant d’implications ? En fait, ce tremplin, j’en ai rêvé parce que je n’ai que des artistes autour de moi qui me disent qu’ils n’ont pas de quoi se produire, que les producteurs ne leur répondent pas, qu’ils ont des subventions en baisse… Nous, on a une économie différente. On a décidé de fonctionner dans un cercle vertueux entre DRAMA QUEEN ACCOMPAGNEMENT et DRAMA QUEEN FOREVER. C’est donc tout simplement une manière de nous faire connaître.
