Les Dramaticules.
- Auteur : Eugène Ionesco
- Adaptation et mise en scène : Jérémie Le Louët
- Avec : Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët, Dominique Massat, Laurent Papot
Le pouvoir corrompt.
Les passions tristes sont à l’œuvre dans ce Macbett d’Eugène Ionesco, où on voit bien la dualité de l’être humain. Il ne peut résister à l’envie et se laisse facilement dévorer par l’ambition. La pièce est extrêmement riche, dénonçant l’absurdité de la guerre, montrant la répétition ou le bégaiement de l’Histoire grâce à une structure circulaire.
On voit bien 《l’histoire avec sa grande hache》, selon l’expression de Georges Pérec, où les vaincus sont contraints de reconnaître qu’il faut être du côté des plus forts et que nul ne saurait remettre en cause les jugements de l’Histoire.
La portée philosophique de l’œuvre est bien mise en valeur par la mise en scène, avec l’usage du micro à main et des lumières, ce qui permet de se rendre compte du caractère bien dérisoire des mots et s’accorde avec le fameux « Words, words, words » de William Shakespeare.
Le seul personnage féminin humain, Lady Duncan, est impitoyable, plus terrible que tous les hommes, elle exécute de sang-froid un soldat de façon assez inattendue dans la mise en scène audacieuse de Jérémie Louet. Elle compte les têtes qui tombent avec un plaisir non dissimulé, elle aguiche Macbett de façon ostentatoire, ce parti pris de la mise en scène est tout à fait dans l’esprit de l’œuvre de Ionesco.
Dominique Massat incarne le personnage de Lady Duncan avec un talent exceptionnel. Elle brille de mille feux sur scène. Sa performance justifie à elle seule d’aller voir la pièce. Le texte de Ionesco est bien mis en valeur par les interprètes. Cependant, ce qui ravit avant tout est l’inventivité de la mise en scène : l’idée de figurer la scène comme un échiquier est fantastique à la fois sur le plan esthétique et dramaturgique. La toute-puissance de Lady Duncan est ainsi habilement suggérée.
Le choix de ne faire apparaître qu’une seule sorcière et de ne donner à voir que son visage, comme projeté dans les airs, saisit le spectateur. On peut imaginer que c’est la voix intérieure de Macbett ou de Banco, qui s’exprime.
L’adaptation de Macbett fait l’impasse sur certains passages de l’œuvre, ce qui ne gêne aucunement celui qui a lu l’œuvre. Il s’agit en effet d’une recréation assumée qui transmet l’essence de l’œuvre originale.
Cette nouvelle œuvre a du cachet et suscite plaisir esthétique et réflexion sur la condition humaine. Une très belle réussite !
David Season, Les Chroniques d’Alceste
Publié le 4 décembre 2025.
Au Théâtre de Châtillon jusqu’au 6 décembre.