
Cie Les Affamés.
- Auteur : Laurent Andary assisté de Fanny Corbasson et Gilles Droulez
- Mise en scène : Gilles Droulez
- Avec : Laurent Andary, Fanny Corbasson et Gilles Droulez
- Sur une idée originale de Gilles Droulez
Vous avez dit République ?
C’est la comédie la plus captivante que j’aie jamais vu. Il s’agit d’un texte virtuose servi par des comédiens chanteurs impériaux, ça ne fait pas très républicain, je le concède.
Cela se veut léger mais la satire de notre société est féroce : l’analyse lucide est acerbe, au vitriol. Cependant, l’auteur a pris le parti d’en rire, pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Les parodies de chansons sont irrésistibles. C’est enlevé, joyeux, un peu cynique tout de même, et tellement entraînant. On apprécie la verve de Laurent Andary, qui joue également dans la pièce. Tous les détournements sont d’un très haut niveau, ce qui n’est pas une mince affaire. Les trois comédiens ont de superbes voix. Il faut y assister pour saisir le degré de perfection de ce spectacle qui ne s’essouffle jamais. Au contraire, les coups de théâtre rebattent les cartes.
Un nommé Mariolle veut accéder à la fonction suprême et il a de fervents alliés et de farouches opposants, l’occasion au passage de tirer à boulets rouges sur les politiques de métier et les médias, à la botte du pouvoir. La collusion des médias et des politiques est mise en scène de façon magistrale, avec un comique de répétition bienvenu, procédé utilisé à l’envi tout au long de la pièce.
Le slogan Tout, tout pour être élu, correspondant à Tout tout pour ma chérie, est de bon aloi et révélateur d’une classe politique corrompue au plus haut niveau. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous ? Si, l’analyse percutante de Laurent Andary est d’une subtilité telle qu’on se demande comment le système perdure. Il démonte habilement les mécanismes d’infantilisation du peuple et chacun en prend pour son grade, en particulier les hommes providentiels.
C’est rafraîchissant, et le problème de la démocratie est au centre de la réflexion. La déesse télé a remplacé l’Église pour empêcher les êtres de penser par eux-mêmes. La critique ne s’arrête pas là, les applis en tout genre, l’omniprésence de l’anglais dans la vie quotidienne de tout un chacun ou encore l’intelligence artificielle, sont évoqués avec un esprit caustique.
La pièce est truffée de références, de clins d’œil à la politique, comme la candidature de Coluche à la présidence. Cependant, nul besoin de comprendre les allusions pour se délecter de ce spectacle salutaire qui synthétise en 1h24 la situation dans laquelle nous nous trouvons, sans dogmatisme, aucun. On dézingue le populisme et la démagogie à cœur joie, en musique et en direct, s’il vous plaît. La musique est un atout incontestable de ce fabuleux spectacle.
Si le constat est un peu désabusé, le burlesque permet de dédramatiser : c’est un festival de situations comiques, plus absurdes les unes que les autres. Vous auriez tort de vous en priver. L’analyse politique atteint un degré de pertinence rarement entendu, les journalistes devraient en prendre de la graine. Tout est dit ou presque, et avec quelle éloquence !
Ce spectacle relève de la gageure et on est heureux de faire partie des privilégiés qui suivent les aventures de Mariole. La pièce va à un train d’enfer. On ne sait jamais vraiment où on va, mais sait-on vraiment où est la République ? Les rebondissements, les bons mots font de ce spectacle plein d’esprit la comédie à ne pas manquer cette année à Avignon.
Publié le 12 juillet 2025
Au Théâtre des Corps Saints, à 17h05.