- Auteur : William Shakespeare
- Avec : Jean-Michel Déprats, Anne-Marie Miller-Blaise,Alexandre Martin-Varroy...
Words, words, words...
Je tiens à remercier chaleureusement toute l’équipe de l’Épée de bois, le metteur en scène et comédien chanteur Alexandre Martin-Varroy, le traducteur et poète Jean-Michel Déprats, la spécialiste de Shakespeare, professeur à la Sorbonne Nouvelle, Anne-Marie Miller-Blaise, et l’universitaire érudite, relectrice.
Treize auditeurs privilégiés ont pu assister à une conférence sur les Sonnets de Shakespeare. Comme Gustave Flaubert dans son gueuloir, Jean-Michel Déprats éprouve la qualité de son travail de passeur en lisant ses traductions à haute voix. La vocalité, l’oralité sont fondamentales, au même titre que le respect du sens, parfois au détriment de la rime.
Il a ainsi choisi de rendre les décasyllabes par des alexandrins blancs, un choix judicieux car les monosyllabes sont plus fréquents en anglais et l’alexandrin plus courant que le décasyllabe. La densité de chaque sonnet rendant le décasyllabe difficile à conserver.
Traduire, c’est adapter. On est ravi du résultat obtenu, d’autant plus que Jean-Michel Déprats a su accepter les suggestions d’une universitaire exigeante dont la langue maternelle est l’anglais.
Cette relectrice lui a permis de se surpasser.
Même s’il est souvent insatisfait de son travail en raison de la polysémie difficile à rendre en français, on est admiratif de son travail merveilleux de traducteur plus que de poète.
Être fidèle à ce que transmet chaque sonnet apparaît comme une évidence pour ce traducteur chevronné. L’humilité de Jean-Michel Déprats m’a surpris tant j’ai apprécié son travail, que chacun peut retrouver dans la Pléiade avec l’original en regard.
William Shakespeare évoque son désir pour un jeune homme puis pour une dame noire, ce triangle amoureux n’étant pas le seul thème abordé. L’art sous toute ses formes, la marche du monde, la société de son époque, la richesse des thèmes ne manque pas.
Les sonnets à l’époque, prennent la forme de trois quatrains et d’un distique : ce distique chez Shakespeare opère souvent un retournement inattendu.
Je reproduis ici un sonnet et sa traduction afin qu’on se rende compte de la virtuosité du traducteur :
Sonnet 66
Tired with all these, for restful death I cry,
As, to behold desert a beggar born,
And needy nothing trimm’d in jollity,
And purest faith unhappily forsworn,
And gilded honour shamefully misplaced,
And maiden virtue rudely strumpeted,
And right perfection wrongfully disgraced,
And strength by limping sway disabled,
And art made tongue-tied by authority,
And folly doctor-like controlling skill,
And simple truth miscall’d simplicity,
And captive good attending captain ill:
Tired with all these, from these would I be gone,
Save that, to die, I leave my love alone.
Lassé de tout, j’aspire au repos de la mort :
Las de voir le mérite acculé à mendier,
Et la médiocrité parée de beaux atours,
Et la foi la plus pure coupable de parjure,
Et les honneurs dorés offerts aux impudents,
Et la chaste vertu crûment prostituée,
Et la perfection indûment avilie,
Et la vigueur claudicante, paralysée,
Et la science muselée par l’autorité,
Et la (docte) sottise étouffant le talent,
Et la vérité nue rebaptisée simplesse,
Et le bien captif devenu servant du mal,
Lassé de tout cela, je voudrais m’en aller,
Si mourir n’était pas laisser mon amour seul
Le volume de la Pléiade contenant les Sonnets est un beau cadeau à offrir ou à s’offrir.
David Season, Les Chroniques d’Alceste
Publié le 23 décembre 2025.
Au Théâtre de l’Épée de bois.
La Pléiade.