
D’après Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estès
Près du cœur sauvage de Clarice Lispector
Récits de femmes de Dario Fo et Franca Rame
Sorcières de Mona Chollet
Par la cie Théâtre de l’imprévu.
- Auteur : Romane Kraemer
- Mise en scène : Romane Kraemer
- Avec : Romane Kraemer
- Complicité artistique et lumières : Amélie Armao
Comment trouver sa voie ?
Romane Kraemer apparaît touchée par la grâce, tant elle est dans son élément. Elle campe une femme qui semble avoir réussi sur tous les plans, elle a un compagnon, un enfant, une belle situation. Cependant, le vernis craque rapidement. On sent soudain sourdre une certaine inquiétude. Il y a quelque chose qui cloche.
La comédienne joue avec le public. On sent qu’elle s’amuse. Son spectacle apparaît comme une nécessité, une évidence, tant elle le vit et lui donne du relief. Il s’impose comme un manifeste nourri de réflexions profondes sur la condition féminine. Le personnage n’est pas à l’aise à la place qu’on lui a assignée et se retrouve davantage dans le conte narré par sa grand-mère.
Romane Kraemer danse avec grâce, elle virevolte, elle écoute de la musique, elle vit.
Il n’y a point d’artifices, tout vient du cœur. L’auditoire ne s’y trompe pas. L’exercice d’introspection quand son personnage se retrouve malgré elle prisonnière de son appartement est propice au questionnement philosophique. La prison qui enferme les femmes est décrite avec finesse.
Romane Kraemer captive par sa présence, sa voix à nulle autre pareille. Son timbre parlé comme chanté séduit. Sa reprise a cappella d’une chanson d’Anne Sylvestre est un ravissement. Rarement, on aura rendu un si bel hommage à la musicienne : l’émotion est palpable à chaque seconde et l’interprétation personnelle conquiert l’auditoire.
Qu’est-ce qu’être femme ? Comment s’affirmer ? Cela revient à être consciente de la nécessité de briser ses chaînes au risque d’être qualifiée de sauvage par la société afin de vivre sa vie pleinement. Écouter son cœur, ses passions, suivre une autre route comme dans The Road Not Taken de Robert Frost même si 《les braves gens n’aiment pas que/ L’on suive une autre route qu’eux.》
Le spectacle de la comédienne est délicat et insiste sur la singularité de chaque être. Chaque être, même une femme(!), a droit au bonheur, semble nous dire l’auteur. Ce bonheur consiste en partie à donner du bonheur aux autres tout en se réalisant. L’analyse de la situation personnelle de son personnage a des résonnances universelles et donne la clef pour sortir de sa prison, qu’on soit femme ou homme.
Un beau spectacle qui rend heureux et fait réfléchir à la condition humaine. Une célébration de la vie.
Publié le 14 juin 2025.
Au Local au Théâtre des Lila’s à 10h30.