Je sentais venir la tempête

Photo : Compagnie d'Octobre
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Par la Compagnie d’Octobre

 On se sent privilégié d’assister à un spectacle aussi abouti.

 On sent une grande maturité chez ces jeunes comédiennes, une grande maîtrise, un immense talent.

 Cette adaptation d’un classique de Federico Garcia Lorca est époustouflante. Elle est à la fois personnelle, originale et fidèle à la Maison de Bernarda Alba.

 Bien que le personnage de Bernarda Alba ne soit pas sur scène, il est omniprésent tant le climat d’oppression de ses cinq filles est recréé. On sent une tension. Les propres mots de Bernarda Alba imprègnent le discours de ses filles. On ressent la terreur que cette mère autoritaire fait régner sur son entourage, domestiques compris. Ceux-ci ne sont pas présents non plus, même si leur voix nous parvient.

 Les quelques libertés prises avec le texte permettent aux comédiennes de tricoter un univers qui  tient compte de leur intériorité et qui parle à tous. Loin de trahir l’auteur, elles s’en approchent davantage, en faisant leur son matériau.

 On comprend que quelque chose ne tourne pas rond chez ces cinq femmes dont la seule espérance est de trouver un mari.

 Elles sont conscientes du malheur d’être femme, réplique que leur prête le poète.

 Les trouvailles pour montrer le mal être de ces sœurs sont du plus bel effet et ne manquent pas de déconcerter, montrant l’absurdité de leur existence de recluse, contraintes de prendre le deuil pendant huit ans dans le texte original car leur père est mort. Du moins, le père de quatre d’entre elles, car pour ce qui est d’Angustias, elle a déjà hérité de son propre père et elle est courtisée par Pepe Le Romano, un garçon de vingt-cinq ans, alors qu’elle en a quarante.

 Le pouvoir de l’argent, les rivalités entre sœurs, le désir, la folie, sont autant de thèmes modernes explorés avec bonheur par les cinq comédiennes, incarnant les cinq sœurs dans ce huis clos étouffant, où on sent venir la tempête.

 Les danses, les chansons espagnoles… nous emportent au cœur de cette pièce.

 Les interprètes impriment un rythme formidable alors que l’action se résume en définitive à peu de chose. Leur belle présence captive le public.

 Le travail sur les lumières permet de mettre en valeur chacune, surtout lors des monologues intérieurs.

La scénographie est très aboutie. La représentation est prenante. On est enthousiasmé d’un bout à l’autre. On a l’impression d’avoir affaire à des comédiennes aguerries,  le fait d’y mettre tout leur cœur leur permet d’atteindre des sommets.

 Les décors sont  soignés et les costumes réussis.

 Julie Duquenoy, qui incarne Martirio, est incandescente. Elle a une très belle voix et elle m’a particulièrement impressionné.

 La distribution est d’un haut niveau et atteint l’excellence.

Cette adaptation est une merveille. Ne passez pas à côté.

Publié le 1er février 2025.

Au Théâtre des 2 Rives puis au théâtre de Belleville à partir du 3 mars

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