Fête des Mères au Théâtre Lepic

Photo : David Season
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L’art permet-il d’exorciser son passé ?

 

 Une pièce d’une densité exceptionnelle. Adèle Royné nous emporte dans son univers singulier, drôle. Elle a beaucoup d’esprit et est passée maître dans l’écriture, la mise en scène, la comédie.

 Son texte profond séduit l’auditoire. Les coups de théâtre successifs relancent l’intérêt pour l’histoire. Une histoire complexe montrant les rapports entre frères et sœurs, enfants et parents, à l’occasion de la Fête des Mères. Le théâtre dans le théâtre est bien amené. Adèle Royné, alias Louise, raconte son histoire avec beaucoup d’éloquence, ce qui ne l’empêche pas, bien au contraire, de mettre en valeur ses camarades de jeu. Ils sont les personnages et ont une belle présence.  

 Cyril Metzger, en Arthur, est solaire, il captive l’auditoire. Ses reparties font mouche. Il a un charisme extraordinaire et on est impressionné par sa palette d’acteur. Sa voix grave est plaisante, son visage expressif. Ses silences sont habités. Son jeu force l’admiration. C’est un tour de force qu’il réalise sous nos yeux ébahis.

 Félix Back incarne Gabriel avec un naturel déconcertant. Son côté pince-sans-rire fait la joie des spectateurs. Son entêtement prête à sourire.  

 Aubin Hernandez, qui campe Ziggy, joue bien sa partition, et son aplomb désarçonne. Il est très juste.

 Florence Janas campe une Florence déjantée avec maestria. Son tempérament frappadingue fait beaucoup d’effet.  

 Adèle Royné est sublime en Louise. On éprouve de l’empathie pour cette écorchée vive. Elle a un très beau timbre de voix et un regard intense.

 Cette pièce est un bonheur à jouer pour les comédiens car les personnages ont une vie propre, semblent échapper à leur créatrice. On sent que les artistes s’amusent à l’envi sur scène.

 On est pris dans un tourbillon de révélations, on découvre peu à peu les personnages qui ont une épaisseur psychologique rare.  

 La pièce est extrêmement bien construite et les ressorts comiques fonctionnent à merveille. On rit beaucoup. Le burlesque n’est jamais loin et la virulence des règlements de compte est désamorcé par le côté cocasse des situations.

 La scénographie est merveilleuse : le spectateur est au cœur de l’action. Les costumes sont réussis, en particulier celui de Louise. Il est uniforme : elle est entière. Les décors sont originaux. La création lumière met bien en valeur les comédiens.

 La scène sur le métier d’humoriste est hilarante et se poursuit pendant plusieurs minutes. L’irruption de l’absurde, inattendue, a un effet dévastateur sur les spectateurs.

 Un spectacle aussi abouti est un bonheur pour le public. On savoure les bons mots et on s’interroge sur notre relation à notre propre famille. Le jeu des acteurs sublime le texte de l’auteur. Un très beau moment de théâtre que je souhaite à chacun de vivre.

 Tout l’art d’Adèle Royné consiste à traiter d’un sujet grave avec une légèreté qui met à distance les griefs des uns et des autres.  

 C’est une réussite éclatante.

Il y a deux distributions. Dans la seconde, où Félix Back tient le même rôle, Virginie Colemyn est éblouissante : elle imprime un rythme merveilleux à la pièce et subjugue l’auditoire.

Publié le  10 mai 2025

Au Théâtre Lepic.

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