Un Juif pour l’exemple au Théâtre des Mathurins

 Une prestation de haut niveau. La plaidoirie de Thierry Piguet fascine, inspirée par l’œuvre de l’écrivain Jacques Chessex. Le comédien capte l’attention de l’auditoire. L’intérêt va croissant. Le récit devient glaçant : on est saisi d’effroi devant le crime barbare de jeunes désœuvrés suisses. Le magistrat montre fort bien qu’en Suisse comme ailleurs, 《l’oisiveté est mère de tous les vices》et que la bêtise n’a pas de limites : les juifs devenant les boucs émissaires tout trouvés de la crise pendant la Seconde guerre mondiale, comme à l’accoutumée.

 L’avocat général, s’attachant à montrer que les prévenus ont bénéficié du soutien implicite des habitants de la ville de Payerne dont ils sont issus, suggère que le mal est plus profond qu’on ne pourrait le supposer.

 La force du réquisitoire est amplifiée par une belle diction, une belle voix grave, une belle assurance, une belle force de conviction, qui interpellent. Le recours à l’humour met à distance le caractère abominable du seul crime connu commis contre un Suisse de confession juive durant la Seconde guerre mondiale dans cette  démocratie.

 Le texte de haute volée nous renseigne sur la grande Histoire à travers l’histoire d’un éleveur suisse, coupable d’être né juif. Le sujet est plus que jamais d’actualité et suscite l’intérêt de toutes les générations. Dans la salle du théâtre des Mathurins, les jeunes étaient présents en grand nombre, phénomène qu’on observe rarement pour des seuls en scène de cette teneur.

 L’histoire vraie de ce juif massacré par des fanatiques permet d’aborder différentes thématiques comme l’endoctrinement, l’intimidation, le fascisme… On ne ressort pas indemne de cette pièce, où les ressorts de la haine de l’autre, de celui qui est différent sont étudiés avec une acuité exemplaire.