Pourquoi je n’ai jamais été heureux en amour ! au théâtre du Roi René

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Moi je voulais les sorties de port à la voile.

 Un des plus beaux seuls en scène qui m’ait été donné de voir. Une poésie, une grâce qui ne s’expliquent pas. On est suspendu aux lèvres de Patrick Massiah.

 Il s’inscrit dans la tradition de Michel Eyquem de Montaigne : il parle de son expérience avec le recul et une bonne dose de dérision, et chacun se reconnaît. Son histoire singulière avec la gent féminine a une portée universelle.

 Dans l’Apologie de Raymond Sebond, Montaigne affirme : « Maintes fois (comme il m’advient de faire volontiers) ayant pris pour exercice et pour ébat à maintenir une contraire opinion à la mienne, mon esprit, s’appliquant et tournant de ce côté-là, m’y attache si bien que je ne trouve plus la raison de mon premier avis, et m’en dépars . Je m’entraîne quasi où je penche, comment que ce soit, et m’emporte de mon poids » . On trouve ce mouvement intrinsèque à la pensée chez le comédien. Son corps en perpétuel mouvement dans l’espace transmet autant d’émotions que son discours. En somme, tout est questionnement chez lui. Il a cette formule admirable : 《j’avais trouvé toutes les questions à mes réponses》.

 Qu’on ne s’y trompe pas cependant, ce que nous livre Patrick Massiah n’est pas une philosophie mais son expérience, mais ses déconvenues, mais son humanité dans ce qu’elle a de plus pur, de plus beau. Sa quête de l’amour dès son plus jeune âge va guider son existence et sceller son destin ou bien est-ce le contraire ? Au fond, peu importe : ce qui compte est d’avoir vécu des moments de bonheur, aussi fugaces soient-ils. On en mesure d’autant plus la valeur.

 L’idiosyncrasie de Patrick Massiah nous séduit, nous emporte, nous transporte. Il suscite l’empathie et on se retrouve dans ses aventures avec les femmes qui ont marqué sa vie, depuis son premier amour à trois ans jusqu’à l’amour de sa vie, sa fille.

 Le désir d’être aimé par toutes les filles qu’il aperçoit, ou peu s’en faut, révèle sa part d’enfance, son besoin d’être aimé de façon inconditionnelle au gré de ses déracinements du Maroc à Nice puis à Montpellier, puis à Paris.

 Chaque séparation de l’objet féminin de son affection est une déchirure, comme la belle brune Chantal de vingt ans travaillant dans un hôtel et qu’il entendait séduire du haut de ses huit ans. Les occasions manquées, comme le rendez-vous dans la cour de récréation prêt du poteau, à 13h30, ravivent nos propres souvenirs.

 Patrick Massiah attendrit le public. Il se livre à des imitations désopilantes, il vit son spectacle comme il a vécu sa vie, à cent à l’heure. Et son immense présence ravit l’auditoire. Il éblouit.

 Il évoque son amour de l’Italie et des Italiennes en particulier, des films qu’il voyait chaque jour au cinéma de Nice. Il a aimé les actrices italiennes à la folie et cela se sent quand il se met à parler italien, avec une générosité et une virtuosité exceptionnelles.

 Patrick Massiah est un spectacle à lui tout seul. 

Son évocation de sa mère, de sa tante, de sa grand-mère, autant de figures qui lui ont tant donné résonne chez chaque spectateur.

 La création lumière d’Anne Coudret est époustouflante et met vien en valeur la performance de l’artiste.

 Ce seul en scène fabuleux comporte des interprétations de chansons qui ont marqué le comédien.

Ce spectacle est une ode aux femmes et un hymne à la vie.

Le spectacle le plus abouti à voir en ce moment, sans l’ombre d’un doute.

David Season, Les Chroniques d’Alceste

Publié le 6 décembre 2025.

Au théâtre du Roi René, les vendredis, samedis, dimanches.

Photo : David Season

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