Interview de Vincent Robin et Yanis Nouidé, comédiens de 8 m²

Interview de Vincent Robin et Yanis Nouidé, disponible en intégralité ici :

Et voici une version un peu plus courte :

David Season : Comment vous est venue l’idée de faire une comédie sur la prison ?

Vincent Robin : Tout simplement parce que quand on a débuté l’écriture de ce spectacle, on était en plein Covid, donc on subissait tous l’enfermement. La première chose qui nous est venue à la tête, c’est d’écrire un huis clos sur l’enfermement.

On a enfermé nos personnages en haut d’une montagne, dans plein d’endroits. Et puis, il y a un consensus sur la prison. On s’est laissés deux jours tranquilles et on s’est retrouvés. Et là, on est arrivé avec pas mal de situations loufoques parce que l’idée, c’était avant tout d’écrire une grande farce, mais une farce qui a du sens aussi.

La prison, ça nous a sauté aux yeux parce qu’une bonne comédie se fonde souvent sur un bon fond de drame, ce qui crée un peu une mise en abyme des personnages.

David Season : Et concernant la création, le processus créatif, comment avez-vous réparti les rôles et combien de temps cela vous a-t-il pris de monter la pièce ?  

Yanis Nouidé : Là, c’est plus complexe. Les rôles, on les a équilibrés. Déjà, on savait qu’on avait un gardien, on savait direct qui était notre gardien parce qu’il n’y a que lui qui fait de l’accordéon, donc on savait où on allait.

Robin Vincent : L’accordéon est venu très tôt. On est des comédiens pluridisciplinaires par notre formation. On passe du chant à la danse et à la comédie. L’accordéon s’accordait très, très bien avec la prison parce qu’il évoque autant le compagnonnage qu’un ton plus mélancolique qui peut très bien emmener vers la solitude et ce qu’on peut vivre en prison. Déjà, on avait un personnage.

Yanis Nouidé : Oui, c’est ça. Et après, les personnages, les quatre autres, on a essayé de les équilibrer. On ne voulait pas qu’il y ait quatre benêts et un personnage un petit peu plus méchant. Donc, on a essayé d’équilibrer les différences de personnalité de ces personnages. On est allé aussi vers ce qui nous correspondait plus ou moins instinctivement. On s’est amusé, surtout en improvisation au début. On a eu aussi du travail à la table et on a créé en séquences parce qu’on voulait que ce soit très rythmé. On voulait aussi cet aspect qui peut se rapprocher du film aussi à certains endroits.

Vincent Robin : On a commencé en novembre 2020 et l’écriture s’est étirée sur une première phase de cinq, six mois, sachant qu’on ne pouvait pas tout le temps se retrouver. Je rappelle que c’est le contexte du quotidien. Donc, c’était un peu comme si on menait une résistance dans le fin fond d’un cabaret à écrire dans l’obscurité. On a sorti la première mouture du spectacle qui était très généreuse en février 2022 : il faisait 1h53.

Faire des choix, c’est dire qu’est-ce qui fait avancer l’histoire ? Qu’est-ce qui ne fait pas avancer l’histoire ? Qu’est-ce qui nous fait rire ?  

Tout le monde ne rit pas des mêmes choses, pas avec le même style. On a tous les cinq des styles d’humour qui sont assez différents.

Yanis Nouidé : Et complémentaires.

Vincent Robin : Ça fait une espèce de pièce chorale avec différents styles d’humour qui s’entrecroisent. Aussi bien les comiques de situations, le visuel, le burlesque.

Et l’écriture ciselée. On est des charcutiers de la réplique. On a pu avoir la guerre des tranchées juste sur une réplique. On avait parfois quatre versions d’une même phrase où le rythme de la phrase n’était pas le même. La diction n’était pas la même. Et on se le testait sur le plateau. Et après, assez facilement, on tombait d’accord généralement. En fait, c’est comme une partition musicale. Il y a une espèce de rythmique et de musique à trouver dans le son, dans la phrase, dans la manière de le délivrer. C’est aussi comme ça qu’on s’est beaucoup retrouvé avec notre musicien officiel du spectacle.

David Season : Concernant vos influences, les artistes qui vous inspirent, qu’est-ce que vous pouvez me dire l’un et l’autre ?

Yanis Nouidé : Il y a les influences communes qu’on a et après, nos influences personnelles. On va commencer par les influences personnelles. Dans les influences personnelles, en tout cas pour ma part, il y a Charlie Chaplin, puisque j’ai un jeu qui est assez physique. Buster Keaton aussi.

Dans les plus récents, Jim Carrey. J’aime beaucoup Jim Carrey. Je le trouve très inspirant dans sa folie et dans sa justesse.

Louis de Funès aussi.

En commun, du comique un peu troupier… la bande du Splendid, des choses comme ça.

Vincent Robin : Oui, Le Splendid, Les Inconnus. L’humour de bande… avec des rôles qui sont très campés, avec des dominants, dominés.

Yanis Nouidé : Et du ping-pong vraiment. Ce qu’on retrouve aussi dans notre écriture.

Vincent Robin : C’est ce que je disais sur la partition musicale et la partition de comédie – je suis très inspiré par l’écriture d’Alexandre Astier – sur la rythmique d’une réplique, sur le son que ça fait et sur comment ça doit être écrit. On se retrouve dans ce que Yanis vient de dire.

De Funès, pour moi, est aussi une référence. Parce qu’il alliait très, très bien la situation, le visuel, sans forcément dire les mots. Avant qu’il dise quelque chose, il y avait dix mille choses qui se passaient. Pendant, il se passe des choses encore. Et après, il y a une résonance entre tout ça.

Yanis Nouidé : Et aussi le style, une stylistique un peu film. Le côté un petit peu bande dessinée, cartoon, on le retrouve visuellement dans la pièce. Au début, on s’est dit, on ne se met pas de limites. Tout n’est pas réalisable sur scène, pas comme dans un film avec un budget à je ne sais pas combien de millions. Mais au tout début, on est vraiment parti en cacahuète. On avait prévu des choses… il y en a plein qui sont restées. On voulait donner le maximum de notre imaginaire. On a cadré quand même. Il y a aussi ce côté un petit peu BD, cartoon.

Vincent Robin : Oui, ce côté un peu Tex Avery, dans le style de jeu. C’est ce qui permet aussi de créer des vraies ruptures dramatiques par moments. Jouer avec ces nuances de rythme et en même temps rattacher ces personnages-là à quelque chose de profondément humain qui les rend touchants, attachants. On essaie que notre amitié, qui est sincère dans la vie transpire de notre écriture aussi. Sachant que ces gars-là, sur le plateau, ne sont pas faits pour habiter ensemble. C’est un vaste pari que le destin leur a mis sur les mains. Ils vont devoir composer avec ça pendant un peu plus de deux ans, voire plus.

David Season : Y a-t-il une question à laquelle vous souhaiteriez répondre que je ne vous ai pas posée ?

Vincent Robin : Ce serait quoi votre rêve pour ce spectacle-là ? Qu’est-ce que vous souhaiteriez pour ce spectacle-là ?

Je veux qu’il soit partagé au plus grand nombre, qu’il bouscule. On joue toutes les classes sociales sur le plateau, on a envie que notre salle soit brassée de toutes les classes sociales et que tout le monde reparte sur un message d’humanité, mais surtout avec une vraie crise de rire : c’est vraiment l’objectif premier. Notamment dans le monde dans lequel nous vivons, troublé. On sert un repas qui n’est pas forcément alléchant, on ne leur offre qu’une prison.

Mais dans chaque petit espace, il peut y avoir un moment de bonheur. Partager ça avec le plus grand nombre, c’est ce que je souhaite, c’est ce que nous souhaitons.

Yanis Nouidé : Je suis complètement d’accord. Qu’il puisse être vu, partagé, aimé et discuté par le plus grand nombre possible et voire même une adaptation en film, qui sait ? Il a tout du format d’une série comique. On traverse deux années avec ces personnages-là, mais pendant deux ans, il se passe 10 milliards d’autres choses. Ce qu’on prolonge souvent, d’ailleurs, en faisant des petits formats sur nos réseaux sociaux, notamment quand on part à Avignon, on aime bien construire des nouvelles petites histoires.

 

 

Les artistes sont à l’affiche de 8 m² à découvrir absolument au Théâtre de la Tour Eiffel.

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